« À partir d’aujourd’hui, nous avons un nouveau régime dans lequel la possession simple de marijuana n’est plus illégale, alors nous proposons un processus pour obtenir un pardon qui sera simplifié, et qui sera gratuit pour les gens qui ont un dossier criminel pour possession simple de cannabis », a confirmé le premier ministre Justin Trudeau.
Les jeunes et les gens issus de minorités ethniques ou de collectivités raciales sont représentés de façon « disproportionnée » parmi ces condamnés, a poursuivi M. Trudeau, et cela constitue un « défi supplémentaire » qu’ils doivent surmonter lorsqu’ils cherchent un emploi.
Cela va faire une différence pour les gens qui ont subi les conséquences injustes du régime précédent.
Quelques minutes avant les commentaires du premier ministre, le ministre canadien de la Sécurité publique Ralph Goodale avait confirmé le dépôt d’un projet de loi à ce sujet cet automne lors d’une conférence de presse marquant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi légalisant le cannabis.
Les Canadiens condamnés pour possession simple de cannabis pourront présenter une demande aussitôt qu’ils auront purgé leur peine, et ils n’auront pas à engager de frais pour leur démarche, a-t-il précisé. Selon lui, le processus « sera aussi simple que possible. »
J’ai dit à plusieurs reprises que je ne suis pas un consommateur de drogue. Je ne bois pas beaucoup d’alcool, je ne bois pas de café. Je n’ai aucune intention de consommer de la marijuana.
Près de 500 000 Canadiens potentiellement touchés
Selon des données fédérales, près d’un demi-million de Canadiens ont déjà été condamnés pour possession simple de cannabis. À l’heure actuelle, ils doivent attendre quelques années après avoir purgé leur peine pour demander un pardon, et cette procédure coûte 631 $.
Les gens qui ont obtenu un dossier criminel pour possession simple de cannabis devraient pouvoir se débarrasser du fardeau et de la honte associés à ce dossier.
Le ministre de la Sécurité publique a aussi fait valoir que ces pardons permettront d’éliminer les conséquences néfastes encourues par les Canadiens déjà condamnés pour ce qui n’est plus considéré comme un crime à compter d’aujourd’hui. Cela inclut leur capacité à se trouver un emploi, à louer un logement ou même à participer aux activités de certaines organisations caritatives.
M. Goodale a précisé qu’Ottawa aura besoin de la collaboration des provinces dans ce dossier, puisqu’une partie du travail administratif nécessaire à l’obtention d’un pardon leur incombera.
Interrogé sur les raisons qui ont poussé le gouvernement fédéral à ne pas opter pour une amnistie générale, M. Goodale a expliqué que les citoyens condamnés pour possession simple de cannabis n’ont tout simplement pas subi une injustice sociale historique.
Les Canadiens qui été condamnés dans le passé pour des relations homosexuelles consentantes ont par exemple obtenu le droit de réclamer une radiation de leur dossier criminel parce que leurs droits et libertés fondamentales ont été brimés, ce qui n’est pas le cas des consommateurs de cannabis.
Sa collègue à la Justice Jody Wilson-Raybould, aussi présente pour la conférence de presse, a pour sa part rappelé qu’Ottawa ne donne aucune consigne au sujet des causes qui sont toujours devant les tribunaux. Cette prérogative appartient au Service des poursuites pénales du Canada.
La mesure du succès : une baisse de la consommation
La ministre fédérale de la Santé, Ginette Petitpas-Taylor, a pour sa part réitéré les objectifs de la nouvelle loi sur le cannabis énoncés par le gouvernement Trudeau.
Il s’agit de mettre un terme à une approche répressive qui n’a jamais fonctionné, en s’assurant que les jeunes n’ont pas accès au cannabis, que les adultes puissent se procurer une substance contrôlée et réglementée, et que le tout prive le crime organisé de juteux profits.
Le ministre de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé, Bill Blair, a d’ailleurs dit espérer que la vente légale de cannabis réduise de moitié les prfits des groupes criminels qui en contrôlaient jusqu’ici la production et la distribution. Selon lui, il s’agissait d’un marché de 8 milliards de dollars par année.
Si on parvient à prendre la moitié de ce marché dans une année, est-ce que ce sera assez? Laissez-moi vous dire, j’ai combattu le crime organisé toute ma carrière (…), enlever 4 milliards par année des poches du crime organisé est une bonne année de travail.
Selon Mme Petitpas-Taylor, le gouvernement est prêt à mener une « transition ordonnée » vers ce nouveau régime juridique, qui s’accompagne de campagnes d’éducation et de sensibilisation du public, et il surveillera les répercussions de la nouvelle loi.
Le succès de la nouvelle approche gouvernementale, a-t-elle affirmé, sera mesuré en fonction d’une baisse espérée de la consommation de cannabis.
Ma priorité va être de m’assurer qu’il va y avoir un déclin dans le taux de consommation auprès des jeunes. C’est finalement ça qui serait une définition de succès pour moi.
Elle a par ailleurs réitéré que Santé Canada se donne un an pour encadrer la vente de produits comestibles à base de cannabis.
Les conservateurs dénoncent l’empressement des libéraux
L’entrée en vigueur de la légalisation du cannabis au pays n’a évidemment pas été accueillie comme un jour exceptionnel dans les rangs de l’opposition officielle.
Les conservateurs dénoncent l’empressement et l’improvisation dont a fait preuve, à leurs yeux, le gouvernement Trudeau dans ce dossier.
Ce processus a été réalisé à la hâte pour des raisons purement politiques dans le but de respecter une échéance qu’il a lui-même proposée.
Pour les conservateurs, le gouvernement Trudeau a fait fi des préoccupations de tous ceux qui auront à subir les conséquences de cette loi, à commencer par les policiers, qui ne disposent actuellement d’aucun outil fiable pour détecter la consommation de cannabis chez les conducteurs.
Pierre Paul-Hus a également souligné l’ignorance, pour le gouvernement, des préoccupations des employeurs « qui s’inquiètent des effets sur la santé et la sécurité au travail » ainsi que de celles des communautés autochtones, qui n’ont jamais été consultées sur les effets de la légalisation du cannabis sur leur population, a-t-il déploré.
Cette légalisation à la hâte, souligne l’opposition, laissera par ailleurs de nombreux Canadiens face à des règles mal définies, en particulier pour ceux qui veulent traverser la frontière canado-américaine.
Justin Trudeau ne peut pas expliquer comment son plan bâclé atteindra l’objectif annoncé de garder la marijuana loin des enfants et d’enlever aux organisations criminelles les profits découlant du trafic de drogue.